Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/159

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sera honnie. Aujourd’hui prend fin notre loyal compagnonnage ; avant ce soir nous nous séparerons, et ce sera dur. »

CXXXII

L’archevêque les entend qui se querellent. Il éperonne de ses éperons d’or pur, vient jusqu’à eux, et les reprend tous deux : « Sire Roland, et vous, sire Olivier, je vous en prie de par Dieu, ne vous querellez point ! Sonner du cor ne vous sauverait plus. Et pourtant, sonnez, ce sera bien mieux. Vienne le roi, il pourra nous venger : il ne faut pas que ceux d’Espagne s’en retournent joyeux. Nos Français descendront ici de cheval ; ils nous trouveront tués ou démembrés ; ils nous mettront en bière, nous emporteront sur des bêtes de somme et nous pleureront, pleins de douleur et de pitié. Ils nous enterreront en des aîtres d’églises ; nous ne serons pas mangés par les loups, les porcs et les chiens. » Roland répond : « Seigneur, vous avez bien dit. »

CXXXIII

Roland a mis l’olifant à ses lèvres. Il l’embouche bien, sonne à pleine force. Hauts sont les monts, et longue la voix du cor : à trente grandes lieues on l’entend qui se prolonge. Charles l’entend et l’entendent tous ses corps de troupe. Le roi dit : « Nos hommes livrent bataille ! » Et Ganelon lui répond à l’encontre : « Qu’un autre l’eût dit, certes on y verrait un grand mensonge. »