rien, ne sent rien, jusqu’à ce que, vaguement, comme en un rêve, elle entrevoie l’autre bord, et un homme qui l’aide à y grimper.
« Brave fille, qui que tu sois ! brave créature ! » criait l’homme en jurant.
Éliza reconnut la voix et les traits d’un fermier qui habitait près de son ancienne maison.
« Oh ! monsieur Symmes ! — sauvez-moi — sauvez-moi, — cachez-moi ! cria Éliza.
— Comment donc ! qui est-ce là ? — Eh mais, n’est-ce pas la fille des Shelby ? dit l’homme.
— Mon enfant ! — ce garçon ! — ils l’ont vendu ! là est son maître, dit-elle, montrant du doigt la rive du Kentucky. Oh ! monsieur Symmes, vous aussi vous avez un petit garçon !
— Oui, j’en ai un, dit l’homme, qui, d’une façon rude et tendre tout à la fois, la tirait en haut de la berge escarpée. D’ailleurs, vous êtes une courageuse fille, et j’aime ce qui est grand. » Quand ils eurent gagné le plateau, l’homme s’arrêta.
« Je serais content de faire quelque chose pour vous, mais je n’ai pas où vous mettre. La seule aide que je vous puisse donner, c’est de vous conseiller d’aller là ! et il lui montra une grande maison blanche, à l’écart, sur l’alignement de la grande rue du village. Allez-y ; il s’y trouve de bonnes gens ; il n’y a pas de doute qu’ils ne vous aident ; — ils s’entendent à ces sortes d’affaires.
— Que le Seigneur vous bénisse, dit Éliza avec ferveur.
— N’y a pas de quoi, n’y a pas de quoi, dit le brave homme, c’est bien le moins.
— Et, bien sûr, monsieur, vous ne le direz à personne !
— Mille tonnerres ! pour qui me prends-tu, la fille ? Certes, non. Voyons, va maintenant, comme une bonne et brave créature que tu es. Tu as bien gagné ta liberté, et tu l’aurais si ça dépendait de moi. »