Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/119

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de providences de cette espèce. Je ne prétends pas que des gentilshommes soient joués de la sorte chez moi, » dit M. Shelby avec autant de sévérité qu’il en put trouver pour l’occasion.

Mais il n’est pas plus aisé d’abuser le nègre que l’enfant à l’aide d’une feinte colère. Tous deux voient distinctement le vrai des choses à travers les apparences mensongères, et Sam ne fut en rien déconcerté par la rebuffade, bien qu’il jugeât à propos d’affecter une gravité dolente, et de laisser pendre les coins de sa bouche en signe de componction.

« Maître avoir raison, — bien raison. Fort vilain à moi, y a pas à dire ; et maît’ et maîtresse pas encourager ça. — Mais pauv’ nèg’ bien tenté jouer malins tours à ces gens de rien qui prennent des airs comme ce massa Haley. Sam assez bien élevé pour voir lui pas gentilhomme du tout.

— Eh bien, Sam, dit madame Shelby, comme vous me paraissez vivement sentir vos torts, vous pouvez descendre à la cuisine, et dire à tante Chloé de vous donner une tranche du jambon qu’on a desservi aujourd’hui. Vous et Andy devez avoir grand’faim.

— Maîtresse, bien trop bonne pour nous autres, » répondit Sam ; et saluant d’un air allègre, il disparut.

On voit, et nous l’avons dit, que Sam possédait un talent naturel qui, dans la ligne politique, l’eût poussé loin et haut. Il savait capitaliser, à son honneur et gloire, tout ce qui tournait bien. Ayant, il s’en flattait du moins, fait mousser à la satisfaction du salon sa piété et son humilité, il campa sa feuille de palmier sur sa tête d’un air conquérant, et se dirigea vers les domaines de tante Chloé, déterminé à faire florès à la cuisine.

« Je vais pérorer un brin à ces nèg’s là-bas, se disait Sam, maintenant que j’ai la chance. Seigneur ! si je n’en dévide pas de quoi leur faire écarquiller les yeux ! »

Un des grands délices de la vie de Sam avait été d’ac-