Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/148

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juste au goût de son mari ; elle avait tiré de l’armoire, et rangé sur le manteau de la cheminée, certaines bouteilles de conserves qui n’apparaissaient que dans les grandes occasions.

« Seigneur bon Dieu ! dit Moïse triomphant, nous, gagner un fameux déjeuner ce matin ! »

Et il s’empara en même temps d’une aile de poulet.

Tante Chloé lui allongea un soufflet.

« Fi ! vilain corbeau ! s’abattre comme ça sur le dernier déjeuner que votre pauv’ papa va faire à la maison !

— Oh, Chloé ! reprit Tom avec douceur.

— C’est plus fort que moi, dit-elle en se cachant la figure dans son tablier ; je suis si émouvée, que je ne peux pas me retenir de mal faire. »

Les enfants ne bougeaient plus ; ils regardèrent d’abord leur père, puis leur mère, aux vêtements de laquelle se cramponnait la petite fille, en poussant des cris impérieux et perçants.

Tante Chloé s’essuya les yeux, et prit la petite dans ses bras. « Là, là ! dit-elle. Voilà qui est fini, j’espère. — Allons, mange un morceau, mon vieux ; c’était mon plus fin poulet. — Vous en aurez votre part aussi, pauvres petits ! Votre maman a été brusque avec vous. »

Moïse et Pierrot n’attendirent pas une seconde invitation, et, se mettant à l’œuvre, ils firent honneur au déjeuner qui, sans eux, eût couru gros risque de rester intact.

« À présent, dit tante Chloé, s’affairant autour de la table, je vais empaqueter tes hardes. Qui sait s’ils ne te les prendront pas ! ils en sont bien capables ! Je connais leurs façons !… des gens de boue, quoi !… Je mets dans ce coin-là les gilets de flanelle pour tes rhumatismes ; faut en prendre soin, car tu n’auras plus personne pour t’en faire d’autres. Ici, en dessous, sont les vieilles chemises, et en dessus les neuves. Voilà les bas que j’ai