Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/153

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garantie que de bonnes chaînes. Laissez-leur des jambes, ils s’en serviront : comptez-y.

— C’est qu’aussi, reprit le forgeron, cherchant parmi ses outils, vos plantations du Sud ne sont pas précisément l’endroit où un nègre du Kentucky se soucie d’aller. Ils meurent comme mouches là-bas ! pas vrai ?

— Oui, il en meurt pas mal, répliqua Haley. La difficulté de s’acclimater, une chose ou l’autre, vous les dépêche assez rondement pour tenir le marché en hausse.

— Eh bien ! c’est tout de même dommage qu’un tranquille et honnête garçon, un aussi bon sujet que Tom, aille là-bas pour être broyé, os et chair, dans une de vos plantations à sucre.

— Il a encore de la chance, lui. J’ai promis de faire pour le mieux. Je le vendrai comme domestique à quelque ancienne famille, et si la fièvre jaune ne l’emporte pas, s’il parvient à s’acclimater, il aura une aussi bonne niche qu’aucun de ses pareils en puisse désirer.

— Il laisse sa femme et ses enfants par ici, je suppose ?

— Oui, mais il n’en manquera pas là-bas. Il y a, Dieu merci, assez de femmes partout. »

Pendant cette conversation, Tom était resté tristement assis à sa place. Tout à coup il entendit le rapide galop d’un cheval, et il n’était pas encore revenu de sa surprise, que le jeune maître Georgie avait déjà sauté dans le chariot, lui jetait ses deux bras autour du cou, et l’étreignait convulsivement, en s’écriant avec une fureur mêlée de sanglots :

« C’est indigne ! On aura beau dire !… c’est une honte ! Ah ! si j’étais un homme, on ne l’aurait pas osé !… on ne l’aurait pas fait ! dit-il, avec un hurlement contenu.

— Oh ! massa Georgie ! c’est si grand bonheur pour moi de vous voir ! je pouvais pas endurer l’idée de partir sans vous avoir dit adieu ! Si vous saviez tout le bien que vous me faites ! » Un mouvement de Tom attira les yeux de Georgie sur les chaînes qui lui liaient les pieds.