Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/162

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Dès qu’ils se sentent libres de s’enfuir, l’envie leur en passe. De plus, j’ai leurs actes d’affranchissement tout prêts, tout enregistrés, au cas ou je viendrais à chavirer un de ces jours, et ils le savent. Je puis vous dire qu’il n’y a personne dans tout le pays qui tire meilleur parti de ses nègres que moi. J’en ai envoyé à Cincinnati conduire pour cinq cents dollars de poulains, et ils m’ont rapporté l’argent, leste et preste. Ça tombe sous le sens. Traitez-les comme des chiens, et vous aurez de la chienne de besogne ; traitez-les en hommes, ils travailleront et agiront en hommes. »

Et, dans la chaleur de sa conviction, l’honnête éleveur de bestiaux accompagna cette sortie morale d’un véritable feu d’artifice dirigé vers l’âtre.

« Je crois que vous pourriez bien avoir raison, l’ami, dit M. Wilson. L’homme que l’on signale est un sujet rare, — je ne m’y trompe pas. Il a travaillé environ six ans dans ma fabrique ; c’était mon meilleur ouvrier. Un garçon adroit, ingénieux : il a inventé une machine à teiller le chanvre, — une chose réellement profitable : elle est déjà employée dans plusieurs manufactures ; le maître a pris patente.

— J’en réponds, dit l’homme : il prend la patente et l’argent, puis se retourne, et marque l’inventeur d’un fer rouge dans la main droite ! Si j’avais bonne chance, je le marquerais aussi, moi, et il en aurait pour quelque temps.

— Ces garçons si habiles sont toujours les plus insolents et les plus récalcitrants de la bande, dit de l’autre bout de la salle un grossier manant. Voilà pourquoi on les fouaille et on les marque. S’ils se conduisaient bien, ça ne leur arriverait pas.

— C’est-à-dire que le Seigneur en a fait des hommes, et qu’il faut taper dur pour en faire des bêtes, reprit sèchement l’éleveur.

— Les nègres qui en savent si long ne sont pas du tout