Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Pauvres créatures ! reprit la mère d’un ton moitié chagrin, moitié indigné.

— Qu’est-ce qu’il y a ? dit une autre dame.

— De pauvres esclaves dans l’entrepont.

— Et ils sont enchaînés ! reprit l’enfant.

— C’est une honte pour notre pays, qu’on y voie de telles choses ! s’écria une troisième femme.

— Oh ! il y a beaucoup à dire pour et contre, reprit une belle dame occupée à coudre à la porte du salon, tandis que son petit garçon et sa petite fille jouaient devant elle. Je suis allée dans le Sud, et je dois dire que les nègres me paraissent plus heureux, sous tous les rapports, que s’ils étaient libres.

— Quelques-uns peut-être, sous certains rapports ; reprit la personne qui avait provoqué cette réponse : selon moi, la plus terrible plaie de l’esclavage, c’est l’outrage fait aux sentiments et aux affections, la séparation des familles, par exemple.

— C’est là une mauvaise chose, assurément, dit l’autre, élevant en l’air une petite robe d’enfant qu’elle venait d’achever, et examinant avec attention les garnitures, mais j’imagine que cela n’arrive pas souvent.

— Très-souvent, au contraire, reprit la première avec vivacité ; j’ai vécu des années au Kentucky et dans la Virginie, et j’y ai vu des scènes à fendre le cœur. Supposons, madame, que vos deux enfants que voilà vous fussent enlevés et vendus ?

— Nous ne pouvons comparer notre manière de sentir à celle de ces gens-là, dit la dame, assortissant des laines sur ses genoux.

— Vous ne les connaissez pas, pour en parler ainsi, dit la première avec chaleur. Je suis née et j’ai été élevée parmi eux. Je sais qu’ils sentent aussi vivement, et peut-être plus vivement que nous.

— En vérité ? bâilla la dame. Elle regarda par la fenêtre de la cabine, et répéta pour conclusion : Malgré