Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/188

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même, de sa propre bouche, et je ne peux pas croire qu’il m’ait menti.

— Il vous a vendue, ma pauvre femme ; pas moyen d’en douter, dit un homme à l’air bienveillant, après avoir examiné le papier : il l’a fait ; il n’y a pas à s’y méprendre.

— Alors, ce n’est plus la peine d’en parler, dit-elle, se calmant tout à coup. Elle serra l’enfant plus étroitement contre elle, s’assit sur sa malle, le dos tourné aux passagers, et regarda vaguement la rivière.

— Elle prend bien la chose, après tout, dit Haley. La voilà qui se tranquillise. Une fille fière, ma foi ! »

La femme demeurait immobile pendant que marchait le bateau. Une brise d’été, tiède et douce, passait sur sa tête comme le souffle d’un esprit compatissant : brise du ciel, qui ne s’enquiert pas si le front qu’elle rafraîchit est blanc ou noir. Elle voyait le soleil étinceler sur l’eau en réseaux d’or ; elle entendait résonner alentour des voix joyeuses, animées par le plaisir ; mais un rocher lui était tombé sur le cœur. L’enfant, appuyé contre son sein, se dressa sur ses petits pieds, et de ses petites mains lui caressa les joues. Il sautait, se relevait, balbutiant et gazouillant, comme résolu de la tirer de sa torpeur. Tout à coup elle l’enlaça dans ses bras, et ses larmes tombèrent lentement, une à une, sur le petit visage étonné et riant ; puis elle sembla de nouveau se calmer, et s’absorber dans les soins à donner à l’enfant.

C’était un petit garçon de dix mois, d’une force et d’une vigueur au-dessus de son âge. Toujours en mouvement, il ne laissait pas un moment de repos à sa mère, sans cesse occupée à le tenir, sans cesse en garde contre son infatigable activité.

« Voilà un beau brin d’enfant ! dit un homme s’arrêtant en face, les deux mains dans ses poches. Quel âge a-t-il ?

— Dix mois et demi, » répondit la mère.