Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/200

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fût jamais enlevé de notre village : ton fils ne sera pas le premier, j’espère.

Ici la porte s’ouvrit, et une petite femme, rondelette comme une pelote, appétissante et colorée comme une pomme, se montra sur le seuil. De même que Rachel, elle était vêtue de gris, et un fichu de mousseline se croisait sur son sein rebondi.

« Ruth Stedman ! dit Rachel, en allant joyeusement à sa rencontre, et lui tendant les deux mains avec cordialité. Comment te va, Ruth ?

— À merveille, » répliqua Ruth. Elle ôta son petit chapeau gris, et l’épousseta avec son mouchoir, laissant à découvert une petite tête ronde, sur laquelle le bonnet quaker prenait des airs mutins, en dépit des efforts de deux petites mains potelées pour le ranger à l’ordre. Certaines mèches de cheveux, obstinément bouclées, s’échappaient aussi çà et là, et ne rentrèrent dans leur prison qu’après force cajoleries. La nouvelle venue, qui pouvait avoir vingt-cinq ans, et qui avait consulté le miroir pour réparer le désordre de sa toilette, se retourna enfin d’un air satisfait. — Qui n’eût été satisfait de la voir aurait eu l’humeur difficile, car c’était bien la petite femme la plus avenante, la plus gaie, la plus gazouillante, qui ait jamais réjoui le cœur d’un mari.

« Ruth, cette amie est Éliza Harris, et voilà le petit garçon dont je t’ai parlé.

— Je suis contente de te voir, Éliza, — très-contente, dit Ruth lui donnant une poignée de mains, comme à une ancienne amie depuis longtemps attendue. C’est là ton cher enfant !… Je lui ai apporté un gâteau. Elle tendit un cœur en biscuit au petit garçon, qui s’approcha et le prit timidement.

— Où est ton poupon, à toi, Ruth ? demanda Rachel.

— Oh ! il vient ; mais ta Marie l’a attrapé au passage, et s’est sauvée avec lui dans la grange pour le montrer aux enfants. »