Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/212

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Cicéron, lorsqu’il perdit sa fille unique et chérie, sentit une douleur égale à celle que Tom ressentait — pas plus grande, — car tous deux n’étaient que des hommes. Mais l’orateur romain ne connaissait pas ces sublimes paroles, empreintes d’espérance, et gages certains d’une réunion future. Les eût-il connues, il y a dix à parier contre un qu’il n’eût pas voulu y croire ; — il eut soulevé tout d’abord mille questions sur l’authenticité du texte, sur la fidélité des traducteurs. Pour le pauvre Tom, c’était juste ce qu’il lui fallait, des vérités si évidentes, si divines, que la possibilité d’un doute ne traversât jamais son humble cerveau. Ce devait être vrai ; sinon, comment eût-il trouvé la force de vivre ?

La Bible de Tom, dépourvue de renvois, de notes savantes, avait été enrichie par lui de certains points de reconnaissance, de certains signes de son invention, qui le guidaient plus sûrement que ne l’eussent pu faire les commentaires des érudits. Il avait eu pour coutume de se faire lire la Bible par les enfants de son maître, surtout par le jeune Georgie ; et pendant la lecture, il marquait à l’encre, d’un trait hardi ou d’un pâté, chaque phrase qui charmait son oreille, ou touchait plus profondément son cœur. Sa Bible, ainsi annotée du commencement jusqu’à la fin, avec une grande variété de style, lui permettait de relire ses passages favoris, sans épeler laborieusement les intervalles. Dans le saint livre, ouvert devant lui, chaque page lui retraçait quelques chers souvenirs du logis, ravivait quelques joies passées ; il y retrouvait tout ce qui lui restait en ce monde, et tout ce qu’il espérait et attendait dans l’autre.

Au nombre des passagers du bord était un jeune gentilhomme, riche et bien né, qui habitait la Nouvelle-Orléans et portait le nom de Saint-Clair. Il avait avec lui sa fille, âgée de cinq à six ans, dont une dame de ses parentes prenait soin.

Tom avait souvent entrevu l’enfant, car c’était une de