fant, comment vous en tirez-vous donc quand vous êtes seule avec votre père ? vous devez tout perdre !
— Eh bien, tante, quand je perds mes affaires, papa m’en rachète d’autres plus jolies.
— Le ciel nous préserve, enfant ! — quelle méthode !
— Fort commode, tante, je vous assure.
— Mais c’est d’un désordre qui passe toutes bornes !
— Eh ! là ! comment allez-vous faire, à présent, tante ? voilà la malle qui ne ferme plus, elle est trop pleine.
— Elle fermera, » dit la tante de l’air d’un général d’armée commandant la charge. Elle presse, serre, enfonce les effets rebelles, et s’élance sur le couvercle ; — les bords rapprochés ne joignaient pas encore tout à fait :
« Ici, Éva, montez ! s’écrie-t-elle courageusement ; ce qui s’est fait se peut faire. Il n’y a pas à dire, elle a fermé, elle fermera ! » Intimidée sans doute par l’énergique affirmation, la malle se rendit ; l’anneau entra dans la serrure, et miss Ophélia, triomphante, ferma et empocha la clef.
« Bien ; nous voilà prêtes ! — Mais votre père, où est-il ? Il est temps, je pense, de faire enlever nos bagages. Regardez donc un peu là autour, Éva, si vous l’apercevez.
— Le voilà tout là-bas, à l’autre bout de la chambre des messieurs ; il mange une orange.
— Il ne songe donc pas que nous arrivons ? Ne feriez-vous pas mieux, Éva, de courir l’appeler ?
— Oh ! papa ne se presse jamais, et nous ne sommes pas encore au débarcadère. Venez donc sur la galerie, tante. Tenez, voyez ! voilà notre maison ! là ! tout au haut de cette rue… »
Le bateau commença alors, avec de sourds grognements, monstre colossal et fatigué, à se frayer une route entre les nombreux navires et à se rapprocher du quai. Éva, toute joyeuse, indiquait du doigt les flèches, les