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CHAPITRE XVIII

Défense d’un homme libre.


L’après-midi touchait à sa fin ; on se hâtait doucement dans la maison des quakers. Rachel Halliday, toujours calme, allait et venait, choisissant parmi ses provisions de ménage ce qui pouvait tenir le moins de place dans le bagage des voyageurs. Les ombres s’allongeaient vers l’Est, le disque rouge du soleil atteignait l’horizon, et ses rayons, d’un jaune d’or, éclairaient la petite chambre à coucher. Georges était assis, son enfant sur ses genoux, la main de sa femme dans la sienne. Tous deux avaient l’air pensif, et leurs joues conservaient des traces de larmes.

« Oui, Éliza, reprit Georges ; je sais que ce que tu dis est vrai. Tu es une bonne et digne créature, beaucoup meilleure que moi : j’essaierai de faire ce que tu désires ; je m’efforcerai d’agir en homme libre, de sentir en chrétien. Dieu tout-puissant sait que j’ai eu l’intention de bien faire, — que j’ai lutté, alors que tout était contre moi. Maintenant j’oublierai le passé, je ferai taire tout sentiment amer et vindicatif ; je lirai la Bible, et j’apprendrai à devenir bon.

— Une fois au Canada, je pourrai te seconder, dit Éliza. Je suis habile couturière ; je sais blanchir, repasser, et à nous deux nous trouverons moyen de vivre.

— Oui, Éliza, à nous deux, et avec notre enfant. Oh ! si les gens pouvaient savoir ce qu’il y a de joie pour un homme à penser que sa femme et son enfant lui appartiennent ! Je me suis souvent étonné de voir des blancs, en pleine possession de leurs enfants, de leur femme, se créer à plaisir des chagrins, des tourments ! Moi, je me sens riche et fort, bien que nous n’ayons chacun que nos dix doigts. À peine oserais-je demander à Dieu d’autres faveurs. Oui, quoique j’aie péniblement travaillé tous les