Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/29

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« Hourra ! bravo ! dit Haley, voilà un curieux petit singe ! Ce gaillard-là promet. Tenez, ajouta-t-il, frappant tout à coup sur l’épaule de Shelby, mettez ce petit drôle pour appoint, et je règle l’affaire. — Vrai ! — voyons, c’est ce qui s’appelle être raisonnable. »

À ce moment, la porte, doucement entrouverte, laissa passer une jeune quarteronne d’environ vingt-cinq ans.

Il suffisait de comparer l’enfant à la femme pour reconnaître la mère ; mêmes yeux profonds et noirs, mêmes longs cils, mêmes ondes de cheveux soyeux. À travers la teinte brune de sa peau on voyait rougir ses joues sous le regard hardi que l’étranger fixait sur elle avec une impudente admiration. Ses vêtements propres et soignés faisaient ressortir l’élégance de sa taille. Une main délicate, un pied petit et bien fait, une cheville moulée, étaient des valeurs de prix qui n’échappèrent pas à l’examen scrutateur du marchand, accoutumé à juger d’un coup d’œil les points capitaux de l’article femelle.

« Que veux-tu, Éliza ? dit son maître en la voyant s’arrêter sur le seuil avec hésitation.

— Je venais chercher Henri, s’il vous plaît, monsieur. »

L’enfant bondit vers elle, et lui montra le butin qu’il avait rassemblé dans un pli de sa robe.

« Eh bien ! emmène-le, dit M. Shelby. »

Elle prit l’enfant dans ses bras et sortit précipitamment.

« Par Jupiter ! s’écria le marchand, voilà un fameux article ! À la Nouvelle-Orléans vous pourriez, ma foi, faire votre fortune rien qu’avec cette fille. J’ai vu payer un millier de dollars des créatures qui n’étaient pas moitié si belles.

— Je ne compte pas sur elle pour m’enrichir, » dit sèchement M. Shelby ; et afin de donner un autre tour à la conversation, il déboucha une nouvelle bouteille, et pria son hôte de lui en dire son avis.