Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/293

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de la grande charte, n’eût plus vivement ressenti un empiétement de la couronne.

Dinah était un personnage en son genre, et il serait injuste pour sa mémoire de n’en pas donner quelque idée au lecteur. Née cuisinière, tout autant que la tante Chloé, car cette vocation est indigène à la race africaine, elle n’avait pas eu, comme sa consœur, l’avantage d’être élevée et dressée méthodiquement. Son génie, à elle, était tout spontané, — et comme les génies, en général, opiniâtre, tranchant et irrégulier à l’excès.

De même qu’une certaine classe de philosophes modernes, Dinah professait un souverain mépris pour la logique et la raison ; elle s’enfermait comme en un fort dans sa conviction intime, et y demeurait tout à fait imprenable. Il n’y avait pas de frais d’éloquence, d’autorité, ou d’explication, qui pussent l’amener à croire une autre méthode supérieure à la sienne, ou à modifier en quoi que ce soit sa manière de faire. Dès longtemps, sa vieille maîtresse, la mère de Marie, lui avait concédé ce point, et miss Marie, ainsi qu’elle continuait à nommer madame Saint-Clair depuis son mariage, avait trouvé plus commode de se soumettre que de contester. Aussi Dinah régnait-elle sans contrôle. Ce qui l’y aidait encore, c’est qu’habile diplomate, elle unissait une grande souplesse de formes à une grande inflexibilité de fond.

Dinah était passée maître dans l’art de trouver des excuses : elle en connaissait toutes les rubriques, et avait pour axiome qu’une cuisinière ne peut jamais avoir tort. Dans les cuisines du Sud, il ne manque ni de têtes ni d’épaules subalternes sur qui faire retomber le poids de ses péchés. Un dîner était-il manqué, il y avait cinquante bonnes raisons pour qu’il en fût ainsi, et autant de délinquants en faute, contre lesquels Dinah vitupérait avec un zèle infatigable.

Il est vrai qu’elle échouait rarement en dernier résultat.