Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/300

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— Toujours aux expédients ! une prodigalité folle ! un désordre tel que je n’en ai jamais vu !

— Je gagerais qu’en effet c’est pour vous une nouveauté.

— Vous ne le prendriez pas avec ce sang-froid, si vous étiez maîtresse de maison.

— Ma chère cousine, comprenez donc une bonne fois pour toutes, que nous sommes divisés, nous autres maîtres, en deux classes : les oppresseurs et les opprimés. Ceux qui, comme moi, sont d’un bon naturel et détestent la sévérité, prennent leur parti d’une foule d’inconvénients. S’il nous plaît de garder dans la république, pour notre convenance, une masse d’êtres gauches, paresseux, ignares, il nous faut bien en subir les conséquences. J’ai vu, en certains cas fort rares, des personnes douées d’un tact particulier, obtenir de leurs gens de la tenue, de la méthode, sans user de rigueur. Je ne suis pas de ces privilégiés ; — aussi me suis-je résigné depuis longtemps à laisser aller les choses comme elles vont. Je ne veux pas que les pauvres diables soient fouettés et tailladés au vif ; ils le savent, — et abusent naturellement de leurs privilèges.

— Mais n’avoir ni heure fixe, ni temps, ni lieu, ni ordre ; — laisser ainsi tout aller à l’aventure !

— Ma chère de Vermont, vous autres natifs du pôle nord, vous attachez trop de valeur au temps ! Que voulez-vous qu’en fasse un homme, qui en a deux fois plus qu’il n’en peut employer ? Quant à l’ordre et à la méthode, qu’importe une heure de retard ou d’avance pour le déjeuner ou le dîner, si l’on n’a rien à faire qu’à lire, étendu sur un sofa ? Tenez, voilà Dinah qui vous fera un excellent dîner, — soupe, ragoût, volaille rôtie, dessert, glaces, et le reste ; — elle tire tout cela du chaos et des ténèbres de sa cuisine : j’en suis émerveillé quand j’y pense, et je trouve son art sublime. Mais, le ciel nous assiste ! si nous venions à descendre dans ces noires profondeurs, et