Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/325

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de justesse, à mon sens, que le planteur américain ne fait, sous une autre forme, que ce que l’aristocratie et les capitalistes font en Angleterre pour les classes inférieures : à savoir, les approprier, os et chair, âme et corps, à leur usage et convenance. Il défend son système et le leur au moins d’une façon logique. Il dit qu’il ne peut y avoir de haute civilisation sans l’esclavage des masses, nominal ou réel. Il faut (toujours selon lui) une classe subalterne, adonnée aux travaux physiques et bornée à la vie animale, afin de ménager à la classe supérieure des richesses et du loisir pour se cultiver, développer son intelligence, et devenir l’âme dirigeante des infimes. Il raisonne ainsi, parce que, comme je vous l’ai dit, il est né aristocrate ; moi, je n’en crois rien, parce que je suis né démocrate.

— Comment comparer deux choses si différentes ? reprit miss Ophélia. Le travailleur anglais n’est ni acheté, ni vendu, ni séparé de sa famille, ni fouetté.

— Il dépend autant de celui qui l’emploie que s’il lui était vendu. Le planteur peut faire mourir l’esclave réfractaire sous le fouet ; le capitaliste peut l’affamer. Quant à la sécurité de la famille, il est difficile de décider lequel vaut le mieux, de voir vendre ses enfants, ou de les voir mourir de faim au logis.

— Mais, prouver que l’esclavage n’est pas pire que tel autre abus, ce n’est pas le justifier.

— Ce n’est pas non plus ce que je prétends faire ; je dirai même que notre violation des droits humains est la plus audacieuse et la plus flagrante. Acheter un homme comme on achèterait un cheval, examiner ses dents, faire craquer ses jointures, essayer son pas, et le payer à beaux deniers comptants, autoriser des spéculateurs, des nourrisseurs, des marchands, des courtiers, à brocanter d’âmes et de corps humains, — c’est traduire aux yeux du monde civilisé, sous sa forme la plus saisissante, ce qui n’est au fond que la même chose, la confiscation d’une