Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/329

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Nous pourrions tout aussi bien laisser circuler la petite vérole dans nos familles, et nous flatter que nos enfants ne l’attraperont pas, que de les croire à l’abri des dangers du contact impur de créatures ignorantes et vicieuses. Cependant, nos lois interdisent formellement un système d’éducation générale, et elles font sagement ; car du jour où une génération sera élevée, il y aura explosion jusqu’aux nues. Si nous ne leur donnions pas la liberté, ils la prendraient.

— Et comment pensez-vous que cela doive finir ?

— Je ne sais. Une chose certaine, c’est que dans le monde entier les masses s’entendent et s’appellent, et que tôt ou tard viendra un Dies iræ. Le même travail s’opère en Europe, en Angleterre et dans ce pays-ci. Ma mère avait coutume de me parler de l’accomplissement prochain des temps, alors que régnerait le Christ, alors que tous les hommes seraient libres et heureux. Elle m’enseigna quand j’étais enfant à dire : « Que votre règne arrive. » Je me prends quelquefois à penser que tous ces soupirs, tous ces gémissements, tout ce fracas frémissant d’ossements desséchés, sont les avant-coureurs de ce qu’elle croyait proche. Mais qui pourra soutenir sa présence ? qui pourra résister au jour de sa venue ?

— Augustin, il me semble parfois que vous n’êtes pas loin du royaume céleste, dit miss Ophélia. Elle interrompit son travail et le regarda avec anxiété.

— Merci de votre bonne opinion ! — J’ai mes hauts et mes bas, — à la porte du ciel en théorie et rampant dans la poussière en pratique. Mais j’entends la cloche du déjeuner. — Allons, venez ! — Vous ne direz pas maintenant que je n’ai pu avoir, de ma vie, une conversation vraiment sérieuse. »

À table, Marie fit allusion à l’incident de Prue. « Je suppose, cousine, dit-elle, que vous nous prenez tous pour des barbares.

— L’acte me paraît d’une révoltante barbarie, répliqua