Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/546

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lambeau de couverture pour soulager une pauvre femme tremblant de fièvre, et qui remplissait les paniers des plus faibles, au risque effroyable de trouver le sien inférieur en poids ; — celui qui, poursuivi par l’implacable cruauté de leur commun tyran, ne joignait jamais son injure aux injures, sa malédiction aux malédictions, — cet homme, enfin, commença à prendre sur eux un ascendant extraordinaire. Quand, le plus fort de la saison passé, les dimanches furent rendus aux esclaves, plusieurs se rassemblèrent autour de Tom pour l’entendre parler de Jésus. Ils désiraient se réunir en quelque endroit que ce fût, pour l’écouter, pour chanter et prier ensemble ; mais Legris ne le souffrit point : avec force serments et exécrations, il dispersa les groupes, et déjoua toutes les tentatives. — La bonne nouvelle ne put alors circuler qu’en secret, d’oreille à oreille. Mais qui dira avec quels ravissements plusieurs de ces pauvres proscrits, dont la vie n’avait été qu’un pesant et triste voyage vers un but sombre et inconnu, — avec quels transports ils accueillirent l’annonce d’un Rédempteur miséricordieux et d’une céleste patrie ! Les missionnaires affirment que c’est la race africaine qui, entre toutes, reçoit l’Évangile avec le plus de docilité. En effet, sa nature n’est-elle pas toute confiance et foi ? Des semences de la parole de vérité, jetées au hasard, portées par quelque brise favorable dans l’une de ces âmes naïves et ignorantes, y ont parfois germé, et produit des fruits plus abondants que ceux obtenus par une plus haute et plus savante culture.

La pauvre mulâtresse, dont les simples croyances avaient été bouleversées par l’avalanche de cruautés et d’injustices tombée sur elle, sentit son âme ranimée par quelques hymnes, quelques passages des saintes Écritures, que l’humble missionnaire murmurait de temps à autre à son oreille, lorsqu’ils allaient au travail et en revenaient. — Il n’y avait pas jusqu’à l’esprit sauvage et