Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/548

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— Non ; pas pour dix mille mondes, demoiselle Cassy ! dit Tom avec fermeté, s’arrêtant et la retenant comme elle voulait l’entraîner.

— Mais pensez à tant de pauvres créatures que nous pouvons affranchir d’un seul coup ! Nous irons après quelque part dans les marécages, sur une île, vivre là ensemble. Pareilles choses se sont faites, je le sais. Quelle vie ne serait préférable à la nôtre !

— Non ! dit Tom résolument, non ! Jamais le bien ne vient du mal. Je couperais plutôt ma main droite !

— Alors je le ferai seule, dit Cassy marchant toujours.

— Oh ! demoiselle Cassy ! et Tom se jeta devant elle. Pour l’amour du cher Seigneur, qui est mort pour vous, ne vendez pas votre précieuse âme au démon ! Rien que du mal ne peut venir du mal. Le Seigneur ne nous a pas appelés à la vengeance ; nous devons souffrir et attendre son heure.

— Attendre ! dit Cassy ; n’ai-je pas attendu ? attendu jusqu’à ce que la tête me tourne, que le cœur me manque ! Que ne m’a-t-il pas fait souffrir ? que n’a-t-il pas fait souffrir à des centaines de misérables créatures ? Ne pressure-t-il pas le sang de vos veines ? Je suis appelée !… entendez-vous !… Son heure est venue ; j’aurai le sang de son cœur !

— Non, non, non ! dit Tom retenant entre les siennes les deux petites mains crispées. Non, chère pauvre âme perdue, vous ne le ferez pas ! Le cher béni Seigneur n’a jamais répandu d’autre sang que le sien, et il l’a versé pour nous, nous ses ennemis. Oh ! que le Seigneur nous vienne en aide, et nous apprenne à le suivre, à aimer aussi ceux qui nous haïssent !

— Aimer ! reprit Cassy avec un fauve regard, aimer de tels ennemis ! oh ! ce n’est pas possible à des êtres de chair et de sang !

— Non, demoiselle, ça ne l’est pas, et Tom leva ses