Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/550

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peut sans meurtre ni sang répandu, — mais pas autrement.

— Voulez-vous essayer avec nous, père Tom ?

— Non, dit Tom. Il y a eu un temps où je l’aurais voulu ; mais le Seigneur m’a donné de l’ouvrage parmi ces pauvres âmes, et je veux rester près d’elles, et porter ma croix avec elles jusqu’au bout. Vous, c’est différent. Il y a piège pour vous. — C’est trop fort pour que vous y teniez. — Mieux vaut se sauver, si c’est possible !

— Je n’y connais d’autre issue que la tombe, dit Cassy. Il n’y a pas de bête ou d’oiseau qui ne trouve son gîte. Les serpents mêmes, les alligators ont leur lieu de repos et leur abri ; mais pour nous il n’y en a pas. Là-bas, au plus épais des marécages, leurs chiens nous traqueraient. Les gens, les choses, tout est contre nous. — Les bêtes mêmes se rangent contre nous. — Et où aller ? »

Tom demeura muet ; enfin il dit :

« Celui qui a sauvé Daniel de la fosse aux lions, qui a tiré les trois enfants de la fournaise ; — celui qui a marché sur la mer et commandé aux vents de s’apaiser, — celui-là est vivant ! J’ai foi qu’il peut vous délivrer. Essayez, et je prierai de toute mon âme ; je prierai pour vous. »

Par quelle étrange loi se fait-il qu’une idée, longtemps repoussée, étincelle soudain d’une nouvelle lumière, et la pierre, jetée à nos pieds comme inutile, brille tout à coup de l’éclat du diamant ?

Cassy avait tant et tant de fois roulé dans sa tête tous les plans de fuite probables ou possibles, et les avait rejetés comme impraticables : à ce moment, un projet illumina son esprit, et lui apparut si simple, si facile dans tous ses détails, que l’espérance s’éveilla aussitôt.

« Père Tom ! j’essaierai, dit-elle soudain.

— Amen, reprit Tom, et que le Seigneur vous secoure ! »