Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/578

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lui pardonnerait ; j’ai tant peur qu’il se repente pas !

— J’espère bien que non, dit George. Dieu me préserve de le rencontrer là-haut !

— Chut ! massa Georgie, paix ! — ça me chagrine, faut pas penser comme ça ; — il m’a pas fait réellement mal, — seulement ouvert pour moi les portes du royaume. C’est tout. »

Le mourant, que la joie de revoir son jeune maître avait rempli d’une force éphémère, s’affaissa tout à coup. Les ressorts se détendirent, les yeux se fermèrent ; et sur son visage apparut ce mystérieux, ce sublime changement qui parle d’une autre vie.

Il commença à respirer par longues et profondes aspirations ; sa large poitrine se soulevait et s’abaissait pesamment ; mais l’expression des traits était celle du triomphe.

« Oh ! qui nous séparera — jamais — de l’amour — du Christ ! » Il dit, d’une voix à peine murmurée, et avec un sourire s’endormit dans le Seigneur.

George demeurait frappé de respect : il lui semblait être dans un lieu consacré ; et lorsqu’il se releva, après avoir fermé les yeux sans vie, il n’avait plus qu’une pensée, — celle que son vieil ami avait exprimée : « Quelle grande chose que d’être chrétien ! »

Il se détourna : Legris, l’air sombre, était debout derrière lui.

La sérénité de cette scène de mort réprima l’impétuosité des passions de la jeunesse. La présence de l’homme n’excita plus chez George qu’un sentiment de profond dégoût, et l’impatient désir de s’en délivrer le plus vite et avec le moins de paroles possible.

Fixant ses yeux noirs et perçants sur Legris, du doigt il montra le mort, et dit simplement : « Vous avez tiré de lui tout ce que vous en pouviez jamais avoir. Combien voulez-vous du corps ? je désire l’emporter et le faire enterrer décemment.