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LA CASE DE L’ONCLE TOM.

naient, appelaient, frappaient des mains, hurlaient avec le plus pernicieux empressement et le plus infatigable zèle.

Le poulain blanc de Haley, plein de fougue, entra à merveille dans l’esprit du jeu. Il trouvait, pour caracoler, une pelouse, d’un demi-mille de largeur, allant se perdre en pente dans des bois sans limites. L’animal paraissait se complaire à laisser approcher ceux qui le poursuivaient, puis, lorsque la main allait saisir la bride, pst ! un écart, un hennissement, et la maligne bête était lancée à fond de train dans quelque allée du bois. Sam n’avait nulle envie d’arrêter les fuyards avant le moment opportun ; durant toute cette chasse, il se montra vraiment héroïque. Comme l’épée de Richard Cœur de Lion étincelait au front et au fort de la bataille, la feuille de palmier de Sam pointait partout où il y avait le moindre risque qu’un cheval fût saisi. Il s’abattait tout à coup sur le point menacé, hurlant : « Nous y voilà ! attrape ! ferme ! attrapez donc ! » de telle façon que la déroute et le carrousel recommençaient tout de plus belle.

Haley courait de droite et de gauche : il maudissait, sacrait, tempêtait, frappait du pied tour à tour. M. Shelby, élevant la voix, s’efforçait de diriger la chasse du haut de son balcon, et sa femme, à la fenêtre de sa chambre, riait et s’émerveillait, non sans se douter de ce qu’il y avait au fond de tout ce brouhaha.

Enfin vers midi, Sam parut triomphant ; monté sur Jerry, il ramenait le cheval de Haley pantelant, fumant de sueur ; mais l’éclair des yeux de l’animal, le feu de ses narines dilatées, témoignaient encore d’un indomptable esprit de liberté.

« Attrapé, pris ! cria Sam, d’un ton vainqueur. Si ce n’était Sam le Noir, tous seraient encore en branle ; mais, moi, l’ai attrapé !

— Toi ! grommela Haley avec humeur ; sans toi nous n’aurions pas eu tout ce damné tumulte !

— Le Seigneur nous bénisse, massa, dit Sam, du ton