Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/114

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Des herbes marines portent des crustacés vivants. Un matin, plusieurs fous, se dirigeant vers le sud-est, passent au-dessus de la Sainte-Marie, et l’amiral, partageant l’illusion commune, fait remarquer que tous les oiseaux de cette espèce dorment à terre, et vont, au point du jour, chercher en mer leur nourriture ; il est donc certain qu’il y a des îles au nord-ouest ; mais malgré ces apparences, et les prières de ceux qui l’engagent à s’y fier, il poursuivra sa route vers l’Inde. Vainement on insiste, on le presse : « Le temps est bon, dit-il, et, s’il plaît à Dieu, tout se verra au retour. »

Comme il prononçait ce mot de retour avec la confiance qui ne l’abandonna jamais, plusieurs marins secouèrent la tête, en signe de doute, et, parmi eux, le lieutenant Matheos, que déjà Colomb tenait à bon droit, peur le plus mauvais esprit de tout l’équipage. Cet homme osa même répondre au regard sévère de l’amiral, en objectant la persistance de ces vents alizés, phénomène encore si peu connu qu’il n’avait pas même de nom, et qui, poussant toujours les navires vers l’occident, devaient leur rendre le retour impossible.

Colomb, habitué à se communiquer fort peu, se contenta de rappeler qu’il avait dit : « Avec l’aide de Dieu », ce qui fit sourire le lieutenant. Mais, peu après pour confondre l’impiété de ce sourire, un vent contraire s’éleva.

Bientôt, cependant, Matheos crut avoir trouvé la revanche de cette défaite : les navires, entrés dans ces énormes bancs de fucus, dont la superficie égale sept fois celle de l’Espagne, s’y trouvaient arrêtés, à la fois, par la densité de cette mer morte, et par un