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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/155

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s’étant empressé de la lui offrir avec une paire de chaussures rouges et un collier de grains d’ambre, la reconnaissance du cacique et de ses officiers n’eut plus de bornes, et l’opinion qu’on s’efforçait de leur donner de l’Espagne et de ses souverains gagna plus au don de cette garniture qu’à tout ce qu’on leur en avait dit. Plus que jamais les deux rois furent tenus pour des dieux régnant dans le ciel. Le temps n’était pas encore venu où un grand poète leur ferait dire :

Pour moi, je les crois fils de ces dieux malfaisants,
Pour qui nos maux, nos pleurs, sont le plus doux encens.
Loin d’être dieux heureux ils sont ce que nous sommes :
Vieux, malades, mortels. Mais s’ils étaient des hommes,
Quel germe dans leur cœur peut avoir enfanté
Untel excès de rage et de férocité.

Encore quelques mois, et cette férocité, cette rage, allaient s’abattre sur ce peuple innocent, bon, intelligent, hospitalier.

En attendant, s’il partageait le culte de ses grands, de ses chefs, pour ces dieux bienfaisants à si peu de frais, déjà la malice ordinaire aux petits, jointe à des relations plus fréquentes, plus suivies, et moins gênées par l’étiquette, lui avaient révélé plusieurs classes parmi ces dieux, et bien des faiblesses chez ceux même du premier rang. Déjà il exploitait, entre autres, cette soif de l’or qui les possédait tous indistinctement, et, à ce mot or qu’ils avaient toujours à la bouche, il répondait par des indications et des promesses de plus en plus éblouissantes et chimériques.

Tantôt, pour les séduire, on leur affirmait qu’en tel ou tel lieu régnait un chef dont la bannière était faite d’une immense plaque