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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/170

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En effet, une partie de ses hommes n’eut pas plus tôt débarqué pour accomplir un des vœux faits dans la tempête, que le gouverneur les fit arrêter, Colomb, comme on l’a su depuis, aurait eu le même sort, s’il eût mis un pied hors de la Niña ; mais il n’avait eu garde de le faire. Aussi, de guerre lasse, désespérant de l’attirer dans un piège, le gouverneur lui renvoya enfin ses hommes, et la Niña, sans même avoir pu se ravitailler, dut reprendre le large, et courir au-devant d’une tempête plus furieuse encore que celle où elle avait failli périr.

C’était ce fameux ouragan, le plus terrible, de mémoire d’homme, qui eût soulevé la mer Océane. En Flandres seulement, vingt-cinq navires espagnols avaient péri.

La petite Niña ne périt point : tête baissée contre l’orage, elle rasa le terrible rocher de Cintra, et à travers mille dangers elle força la difficile entrée du Tage.

Encore une fois, Colomb avait fait l’impossible, et il allait le faire encore.

Au moment où tout son équipage se lamentait de se voir tombé entre les mains du roi de Portugal, il écrivait à ce prince une de ces lettres comme seul il en savait faire, et le prince, désarmé, fléchi — et prudent, — envoyait chercher l’Amiral, avec des honneurs extraordinaires, l’adressait à la reine, non moins ravie de le voir et de l’entendre ; et, après bien des hésitations, vainqueur enfin de lui-même, il le laissait partir pour l’Espagne.

Au dernier moment, toutefois, il lui envoya proposer, vu le mauvais temps, une escorte d’honneur qui le conduirait par terre en Castille. Colomb savait que le conseil de l’assassiner avait été