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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/188

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Plusieurs de ces idoles, cependant, trouvaient grâce devant la foule ; mais il faut dire qu’elles étaient d’or, ou du moins revêtues de plaques de ce métal, entre autres ces grands masques dont nous avons déjà parlé et auxquels un nez, des oreilles, une langue d’or donnaient à de certains yeux un je ne sais quoi de divin.

Après les dieux venaient immédiatement leurs adorateurs, six beaux Indiens, dont la nudité disparaissait sous le tatouage et les riches ornements dont ils étaient parés. Ces pauvres gens faisaient pitié à tout le monde avec leurs grands yeux tristes. On observa que souvent, pressés par cette foule dont ils ne s’expliquaient pas le délire, ils se retournaient instinctivement vers un cavalier qui venait immédiatement après eux.

Au regard que leur renvoyait ce personnage, mieux qu’aux respects dont on le voyait entouré, ou à tout autre signe extérieur, on reconnaissait l’amiral Christophe Colomb, le héros de la fête, celui qui, sans faire répandre une seule goutte de sang, venait de donner un monde à l’Espagne.

Le peuple, avec plus encore d’attendrissement que d’admiration, saluait en ce conquérant pacifique un homme sorti de ses rangs et qui, au faîte des honneurs, n’y faisait pas moins bonne figure que les plus riches et les plus vaillants gentilshommes, lesquels, du reste, partageaient l’ivresse commune.

Quant aux femmes de toute classe, depuis la vive manola dressée sur la pointe du pied pour voir l’Homme, jusqu’aux belles dames penchées en dehors des balcons ruisselants de brocart de drap, d’or, de velours semé d’aljofar et de pierreries, il n’en était pas une qui des yeux, qui des lèvres, qui du bout des doigts ne saluât Colomb.