Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/229

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Ajoutons qu’une grande douceur lui avait été ménagée par Isabelle, qui, en s’attachant comme pages les deux fils de Colomb, avait voulu qu’il ne pût approcher d’elle sans voir ses enfants. Mais le sentiment qui avait inspiré une attention si délicate à cette reine, la plus tendre des mères, allait bientôt subir des atteintes si lamentables pour elle-même, que le contre-coup en serait fatal pour son protégé.

Déjà le mariage de la princesse Marguerite, sa fille, avec le roi de Portugal, si ardemment qu’elle l’eût souhaité, lui avait imposé une séparation douloureuse, et donné en même temps des préoccupations dont l’Amiral n’avait pu songer à la détourner. Des mois avaient été perdus ainsi pendant lesquels le roi s’était peu à peu laissé influencer de nouveau contre celui-ci, et non sans quelque apparence de raison.

Le commandant de trois navires venant de la colonie s’était vanté qu’il rapportait une cargaison d’or en barres. Cette expression, prise à la lettre, avait déterminé Ferdinand à disposer de fonds destinés par la reine à une troisième expédition de l’Amiral, et, en somme, l’envoi de la colonie s’était trouvé réduit à un certain nombre d’Indiens dont la vente, pour un capitaine, homme d’imagination, représentait de l’or en barres.

On devine quel parti la haine, sous le voile de la charité, tira d’une telle déception.

Ces mêmes hidalgos, qui avaient exercé d’affreux sévices sur les naturels de Cuba et de Saint-Domingue, d’autres qui possédaient en Castille des esclaves nègres ou maures, d’autres encore, qui avaient fait brûler des juifs à petit feu, se signaient à la seule pensée