Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/254

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ému ; il protesta que ses intentions avaient été méconnues, ses instructions outrageusement dépassées. Fonseca, lui-même, avoua que son agent était allé trop loin, et les bureaux de la marine ajoutèrent au nom de Bobadilla, cette épithète de funeste augure : Zélé.

Un an plus tard, sur ces mêmes registres, l’épithète et le nom même étaient effacés. Bobadilla, révoqué de ses fonctions, avait péri avec les plus ardents ennemis de Christophe Colomb.

Tout est miracle dans cette vie, dans ce poème en action, où les faits se déroulent avec une suite et un art dont nulle œuvre humaine n’égale l’harmonie faite d’oppositions.

À la réception de la lettre à doña Juana de la Torre, un courrier extraordinaire avait été dépêché à Colomb : on le plaignait, on l’admirait, on l’attendait.

Il partit alors pour Grenade où était la cour ; mais, en homme qui avait le sentiment juste des situations les plus délicates, les plus extrêmes, il fit route, puis se présenta devant les deux rois non plus, comme précédemment, sous l’humble habit de Franciscain, mais en seigneur, en Amiral, en vice-roi, mais avec le brillant costume, avec le regard calme et assuré que comportaient son rang, ses dignités, ses services, son caractère.

Le roi, qui le reçut le premier, put lui savoir peu de gré de cette attitude, mais il n’en laissa rien paraître.

Quant à Isabelle, en revoyant le noble vieillard qui venait de subir un si indigne traitement, bien loin de l’accuser, elle s’accusa elle-même, elle fondit en larmes et voulut que toute explication fût précédée de la destitution de Bobadilla et de la confirmation — nominale — de Christophe Colomb dans toutes ses dignités.