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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/46

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et cette région du ciel qui offre à Saturne une route de trente ans, il méprise, en jetant de nouveau ses regards sur la terre, la petitesse de son étroit domicile. Combien y a-t-il depuis les derniers rivages de l’Espagne jusqu’à l’Inde ? L’espace de très peu de jours si le vent est favorable au vaisseau. »

Nous ne citons qu’une faible partie des témoignages antiques auxquels, conformément à l’esprit de son siècle, Colomb dut accorder une importance capitale. Si grande, au reste, qu’ait été son érudition, pour le temps, il n’avait pas reçu de première main tous les éléments dont se forma ou du moins s’étaya sa conviction. Il en dut la plupart, sinon à Bacon, à Averroès et à Martyr d’Anghierra, du moins à Nicolo di Lira et surtout à Pierre d’Ailly, ingénieux compilateur, auquel il s’en réfère le plus souvent avec une naïveté digne de sa grande âme.

Deux autres personnages qu’il n’a point cités, que je sache, ne purent manquer d’exercer indirectement une grande influence sur son esprit. L’un est le négociant voyageur de Conti, l’autre ce fameux Marco Polo, surnommé Messer Milione, pour les monceaux d’or et de pierreries qui nous éblouissent encore dans ses relations de voyages au grand Cathay (la Chine), à Cipangu (Ceylan), et autres contrées de l’extrême Asie.

Ces relations pleines de faits réels et d’hyperboles inouïes, suivant que l’auteur raconte ou ce qu’il a vu ou ce qu’il a entendu dire, Colomb avait pu se dispenser de les lire : elles étaient dans toutes les mémoires, elles défrayaient toutes les conversations ; et, s’il ne croyait pas à des villes d’or, à des villes pourvues de douze mille ponts (Conti les réduisait à dix), il devait du moins, d’après les