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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/101

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MADEMOISELLE GIRAUD

mon manque d’énergie ; il est si difficile d’avoir des rigueurs continues pour qui l’on adore !

Mon premier acte d’autorité fut de m’occuper de la question verrou. « Peine inutile, me direz-vous, le petit travail de serrurerie auquel vous vous étiez livré dans la journée vous avait si peu profité ! Ce n’était pas la porte de votre femme qu’il fallait déverrouiller, c’était son cœur. » Vous avez parfaitement raison. Mais ne pouvant triompher des résistances morales, je me plaisais à vaincre les obstacles matériels. Je ne voulais plus qu’on dressât des barricades chez moi, et je prétendais entrer, à mes heures, dans l’unique chambre à coucher de mon appartement. Je m’empressai donc de ramasser, sur le tapis, le petit instrument de mon supplice et le mis dans ma poche.

Chose étrange ! le même jour, sans qu’il fût entré le moindre ouvrier chez moi, je pus contempler un nouveau verrou, dit de sûreté, qui se prélassait à la place de l’ancien. Qui l’avait posé ? Ma femme évidemment. Sans mot dire, je m’armai de mon tournevis et défis ce qu’on venait de faire. Le lendemain, un nouveau verrou apparut. Il eut le sort des deux premiers, je devenais collectionneur. Ma femme ne céda qu’au septième verrou ;