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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/179

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MADEMOISELLE GIRAUD

terait pas ; ils sont trop matériels pour être corrompus, trop naïvement sensuels pour être dissolus. Ils se portent bien, du reste, grâce à l’air, qu’ils respirent, aux travaux manuels auxquels ils se livrent, et la corruption est, en général, la conséquence de quelque faiblesse maladive. On devient dissolu comme on devient gourmand, par suite du manque d’appétit. Celui-ci a recours à de nouvelles épices pour pouvoir manger, cet autre perfectionne l’amour pour pouvoir aimer.

Mon compagnon parla longtemps sur cette matière et je l’écoutai avec attention. J’avais beaucoup à apprendre d’un tel maître et surtout d’un tel observateur. Je vous l’ai souvent dit, mon cher ami ; dans le cours de ce récit, et du resté vous vous en êtes suffisamment aperçu, malgré mes trente ans passés, j’étais resté un naïf, un pur, pourrais-je dire, si le mot n’était pas, de nos jours, appliqué à la politique. Ma première jeunesse surveillée par une mère des plus rigoristes, les grands travaux auxquels je m’étais livré depuis, certaines dispositions pudibondes qui m’avaient éloigné des camaraderies dangereuses et des plaisirs faciles, vous ont suffisamment expliqué cette pureté relative de mon esprit. Mon imagination n’était jadis allée au delà de certaines limites,