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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/19

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MADEMOISELLE GIRAUD

et en dix années ma fortune est faite. Je reviens alors en France avec l’intention de jouir de ma position, de me créer une vie plus agréable, de me marier peut-être. C’est ici que mon étoile commence seulement à pâlir. À peine ai-je manifesté mes projets de mariage que mes protecteurs, mes amis, et surtout leurs femmes me font mille offres de services. C’est à qui disposera de ma main. On m’accable d’invitations à dîner, de billets de bal, de concert. On m’entraîne à la campagne. On me met en présence de toutes les jeunes filles à marier de la création. Ces demoiselles daignent souvent me sourire et leurs mères les y encouragent.

En effet, je suis ce qu’on appelle un bon parti : jeune, décoré, riche et pas trop mal tourné. Il dépend de moi de choisir parmi les plus charmantes et les mieux dotées. Je n’ai qu’à me baisser pour en prendre, comme m’assure en riant madame de F…, une de nos plus élégantes Parisiennes et ma protectrice la plus acharnée.

Le croiriez-vous, j’hésite à me baisser, je fais des manières, je dis : Celle-ci est laide, celle-là est belle à faire peur, cette autre me conviendrait, mais sa famille est trop nombreuse, j’aurais l’air d’un chef de tribu ; mademoiselle A… s’habille comme une dame du lac ; la belle