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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/49

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MADEMOISELLE GIRAUD

j’aperçus un soir Mlle Giraud à l’Opéra, dans une loge, en compagnie de sa mère et d’un monsieur d’une cinquantaine d’années que je reconnus pour un vieil ami de ma famille.

L’incomparable beauté de l’amie de la comtesse m’apparut cette fois sous un jour nouveau : les lumières donnaient à son teint un éclat merveilleux, ses grands yeux noirs étincelaient ; à travers ses lèvres empourprées apparaissaient des dents éblouissantes de blancheur, et son corsage à demi décolleté laissait entrevoir des épaules charmantes. Placé dans un coin de l’orchestre, bercé par la musique de Lucie, je ne cessai d’admirer toutes ces perfections.

Cette soirée décida de ma destinée.

Entre nous soit dit, mon cher ami, je méritais un peu cette épithète d’anachorète que m’avait décernée Mme de Blangy. Mon existence, des plus occupées de dix-huit à vingt-cinq ans, m’avait éloigné des plaisirs parisiens, et en Égypte, vous le savez, les bonnes fortunes sont rares.

J’avais donc soif de goûter à certaines coupes, de vivre après avoir végété, de ressentir des émotions violentes, et Mlle Giraud me semblait apte à me les procurer.