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Tout génie est martyr ; — accablé de douleurs,
C’est dans son propre sang arrosé de ses pleurs
Que la gloire, vengeant l’outrage et l’anathème.
De l’immortalité lui donne le baptême.

— N’importe ! il faut qu’il marche, il a sa mission ;
En avant à Florence, en avant à Sion,
Toi, de l’exil aux pieds traînant la chaîne, ô Dante,
Vengeur terrible, et toi, dont par la braise ardente
L’Esprit sacra la bouche, et que, vivant lambeau,
L’horrible scie en deux mettra dans le tombeau,
Isaïe, ô prophète à la voix irritée !
Et toi, chantre géant du titan Prométhée,
Toi qu’Athènes bannit, et que l’Humanité
Inscrit au premier rang dans son droit de cité !
Et toi, par la sottise et la bassesse immonde
Tant bafoué, poète aussi grand que le monde,
Divin Shakespeare ! et toi, Corneille, à qui le prix
Du pain quotidien semblait cher à Paris,
Quand Versailles repu nageait dans les délices !
Forçats sacrés, martyrs, videz vos noirs calices !
Le pélican ne meurt qu’en versant jusqu’au bout
Le pur sang de son cœur, et le Volcan qui bout
Jamais n’éteint le feu dont son enceinte est pleine,
Que le jour où sa lave a fécondé la plaine.