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La forêt ténébreuse où, dans l’horreur du soir,
Le passant croit entendre, ayant peur de s’asseoir,
À travers le taillis du hallier qui murmure,
Les pas mystérieux du stryge et du lémure !
— Puis encor les tyrans, les martyrs, les héros,
Et la procession sinistre des bourreaux ;
Et les veuves en deuil, les plaintives amantes,
Et les traîtres cachant des poignards sous leurs mantes ;
Aux sons des harpes d’or, ou des lyres de fer,
Montant au ciel, ou bien descendant à l’enfer ;
— Tous avec leurs discours, leurs gestes, leurs visages,
Leurs crimes, leurs exploits, posant pour tous les âges,
Dont les hommes futurs, ô sublime Louis,
Comme nous, devant eux resteront éblouis ;
— Tous vivants, immortels ; par ton souffle olympique
Doués d’une existence idéale et typique ;
Par ta main de géant d’un tel cachet frappés,
Qu’en des traits plus saillants, plus justement drapés,
Ceux-ci marqués d’opprobre et ceux-là de l’étoile,
Un peintre ne pourrait les fixer sur la toile !
— Ô prodige inouï ! le maître souverain,
Faisant parler les bois, les cordes et l’airain,
Par son art formidable arrive à tel prestige
Que l’esprit s’épouvante, et, saisi de vertige,
Éperdu, s’interroge, et doute par instant
Si par l’oreille émue il voit, ou s’il entend !