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Et de ceux que sans trêve une tempête enlace,
Et d’autres que leur crime à l’immobilité
Condamne, sans jamais pouvoir changer de place,

Me disant, tout en pleurs, c’est pour l’éternité
Que de ces malheureux l’Enfer fait sa pâture,
— Un homme vint à moi dans l’horrible Cité.

Mais quoiqu’il eût de nous la forme et la stature,
Je sentis à l’instant qu’un être surhumain
Se cachait à mes yeux au fond de sa nature.

Tout d’abord il me prit doucement par la main,
Et me dit, d’une voix auguste et fraternelle :
Ami, continuons ensemble le chemin.

Une aurore d’amour luisait dans sa prunelle,
Et d’un charmant reflet de vague paradis
Illuminait au loin la Géhenne éternelle.

Partout où nous passions, les geôliers interdits
Interrompaient le cours des terribles supplices,
Au fond de chaque fosse où hurlaient des maudits.

Et les chapes de plomb, et les brûlants cilices,
Soudain se détachant de leurs corps, les damnés
Se croyaient un instant au jardin des délices.

Comme on verrait dormir des bourreaux avinés,
Ayant bu leur salaire au fond d’une taverne,
Tels cessaient les démons leurs cris de forcenés.

Et l’Achéron, le Styx plus infect que l’Averne,
Et l’ardent Phlégéton, pleurant l’Humanité,
Au Cocyte roulaient, de caverne en caverne.