Page:Beltjens - Inferno.pdf/6

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Ô terreur ! — devant moi, sous le noir firmament,
Dans un des trous glacés, où la funeste engeance
Des traîtres odieux reçoit son châtiment,

Ugolin se dressait, blême, et, sans indulgence,
Dans la chair de Roger faisait grincer ses dents
Dont six siècles n’avaient pu lasser la vengeance !

Les yeux hors de l’orbite et de rancune ardents,
Il tenait par les crins sa proie, et, dans un râle,
Il lui rongeait le crâne et mangeait le dedans.

Mais quand du forcené la figure spectrale,
En triturant les os que j’entendais crier,
Vit mon guida aux doux yeux pleins d’aube sidérale,

Il laissa de ses mains tomber son meurtrier,
Et le bourreau terrible, à la face âpre et dure,
Fléchit les deux genoux, et se mit à prier.

Et sur l’étang glacé je sentis la froidure
S’attiédir, comme aux jours de printemps, quand l’oiseau
S’en revient pour chanter dans la jeune verdure.

Et moi-même, tremblant, comme un faible roseau,
Quelque chose de doux, que je ne puis décrire,
Enveloppait mon cœur d’un céleste réseau,

Tellement me charmait avec son beau sourire,
En me tenant la main, l’être mystérieux
Qui conduisait mes pas dans le funèbre empire.

Et toujours nous marchions plus avant ; — mais les lieux
Que j’avais vus, semblaient n’être qu’un purgatoire,
Quand l’affreuse Caine apparut à mes yeux.