Page:Beltjens - Le condor captif, Aurore, 1885.djvu/15

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Du nord au sud, de l’est à l’ouest, en tous lieux,
Les veufs en ont semé tant de bruits merveilleux.
Que l’école Avenir tout entière en frissonne.
D’ailleurs le maître vient diriger en personne,
Et voici ! c’est lui-même ; un Mozart de vingt ans,
Chevalier grand cordon de l’ordre du printemps,
Couronné de lilas mêlé de tubéreuse,
Et coiffé par les doigts d’une fée amoureuse,
En grand gala vert-pomme à ganse de carmin.
Et sa flûte — enchantée à coup sûr — à la main.

Il fait les trois saluts. Hêtres, chênes, érables,
Les vieux de la forêt, graves et vénérables,
Se penchent pour le voir ; on cause, on s’entretient
De son air grave et doux, de son noble maintien.
Les buissons muscadins, coquetant dans leur loge,
Quoiqu’en secret jaloux, tout haut font son éloge.
L’ondine aux flots du lac soupire : Est-il charmant !
La sylphide gémit : Que n’est-il mon amant !
Même la vieille ortie et la ronce chagrine
Murmurent : Qu’il est bien ! et l’une à sa voisine
Demandant : Quel est-il ? — un tilleul, un ancien.
Dit : Mais c’est maître Avril, le grand musicien !
Les vieux saules pleureurs cessant leur élégie,
Vont discutant tout bas sa généalogie.
Certains vents étrangers, on ne sait d’où venus,
Prétendent qu’il est fils de Mars et de Vénus.
Paix ! riposte un sapin, laissons-là ce chapitre
Et, galant, de ses bras il lui fait un pupitre.
Le Maître en souriant y pose son cahier ;