Page:Beltjens - Le condor captif, Aurore, 1885.djvu/3

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Suspendue à l’instant, s’éteignit par degrés,
Comme dans un banquet, où se meurt un convive,
Se taisent tout-à-coup les rieurs effarés.

Les sinistres appels de cette voix mourante
Retentissaient au loin, d’autres appels suivis ;
De l’endroit, d’où partait leur clameur déchirante,
Je m’étais vivement approché, quand je vis,

Dans sa cage de fer, grande et triste figure,
Le Condor qui cherchait à fuir de sa prison :
Les barreaux avaient peur de sa vaste envergure ;
On eût dit l’ouragan qui monte à l’horizon ;

Et l’on croyait ouïr, à sa voix sibylline,
Comme aux jours disparus des chevaliers errants,
Un de ces étrangers, debout sur la colline,
Qui prédisaient la chute ou la mort des tyrans.

Accourue en tumulte, une foule grotesque
De niais radieux, de badauds aux fronts plats,
Autour de l’animal tragique et gigantesque,
Hurlait, gesticulait ou riait aux éclats.

Quelques rares passants à ce navrant spectacle
Assistaient d’un air triste, et, plaignant avec moi
Le courage du fort brisé contre l’obstacle,
Sentaient pour le captif un douloureux émoi.

Avec son manteau fauve aux reflets de ténèbres,