Page:Beltjens - Le condor captif, Aurore, 1885.djvu/5

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Le superbe lutteur vaincu, mort à moitié,
Une larme furtive humecta ma paupière,
Et mon cœur attendri déborda de pitié.

Te voilà donc, lui dis-je, ô toi que la nature
Fit sortir de ses mains si puissant et si beau,
Dans ta fière jeunesse, à la noble stature,
Enseveli vivant dans ce morne tombeau !

Oh ! sur ces monts lointains dont la neige éternelle
Couronne les sommets de sa blanche épaisseur,
Où, guettant son absence, à l’aile maternelle,
Pour te mettre à l’encan, t’a ravi le chasseur ;

Parmi les pics altiers des vastes Cordillères
Que le ciel, s’il croulait, choisirait pour soutien,
Là-haut, là-haut, bien loin de ces tristes volières,
Quels beaux jours t’attendaient, quel sort était le tien !

Enfant de ces hauts lieux gardés par le tonnerre,
Dans leur splendide horreur grandir en liberté,
Jusqu’au jour où leur cime, intronisant ton aire,
À son tour aurait vu régner ta puberté ;

Le matin, quand le sud de sa croix triomphale
Éteint devant le jour son grand phare étoilé,
T’éveiller en sursaut, et, voyant la rafale
T’entr’ouvrir l’infini par le brouillard voilé,

Avec ta jeune épouse escalader les nues,