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Page:Beltjens - Midi, 1885.djvu/19

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Triomphez, orphelins, triomphez, pauvres veuves,
Qui sanglotez tout bas sur un bonheur détruit,
Exilés qui le jour errez le long des fleuves,
Et qui le soir montez par l’escalier d’autrui !

Vous tous, héros obscurs, déshérités du monde,
Qui vivez de chagrins et de pleurs étouffés,
Poètes et penseurs que sous sa griffe immonde
L’égoïsme brutal asservit, triomphez !

Aux plats adorateurs de la vile matière,
L’amer dégoût, l’ennui stupide et le remord !
Chantons tous à la fois devant le cimetière
Un hymne de triomphe en face de la Mort !

Que les siècles futurs entrechoquent les astres
S’envolant en éclats dans l’abîme béant,
Nous marcherons sans peur à travers les désastres ;
Et vous, — silence à vous, ô docteurs du néant !

À vous le désespoir de la décrépitude,
Jouets anticipés de la destruction !
À vous le doute affreux, à nous la certitude
Qui dit : Âme éternelle et résurrection !

Montons tranquillement l’échelle expiatoire
Qui descend sous nos pieds à chacun de nos jours ;
Plus les coups du destin sont durs, plus la victoire
Nous tresse de lauriers en de meilleurs séjours.