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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

— Patron, laissez-moi arranger ça…

Antoine éclate :

— Vous ici ? Vous n’êtes pas de la scène de la ruelle : disparaissez !

— Patron…

Le Sociétaire a sa voix douloureuse :

— Je vois que vous ne me connaissez pas. Je ne suis pas un embêteur, patron ! Je voulais…

— Ah ! il est effarant ! s’écrie Antoine. Celui-là, il est pur ! Je comprends qu’on lui ait foutu douze douxièmes !

Il n’écoute plus. Il aborde une femme du peuple. D’une main il enlève son chapeau, de l’autre il tend un billet de cent sous, et il demande qu’elle intercède auprès de la propriétaire de la maison. Car il est buté. Depuis trois jours il rumine la scène à jouer, et le voici persuadé que, dans Arles, il n’y a pas une seule autre maison qui puisse convenir. C’est dans celle-ci qu’a travaillé son imagination : il la veut ; il l’aura. Galvanisée par l’autorité de son regard, où il y a du feu, la femme