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Page:Benjamin - Antoine déchaîné, 1923.djvu/153

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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

en a une minute d’épouvante, et on sent qu’après elle il va éclater, tel le tonnerre sur les sommets. Déjà le régisseur s’immobilise, ses yeux se fixent, — quand, tout à coup, le Sociétaire, cette riche nature, se présente à brûle-pourpoint et apaise par sa seule vue et une seule phrase cet orage concentré, déjà terrifiant :

— Patron… un petit verre d’eau-de-vie ?

Parole d’honneur, il en tient un litre. Essoufflé, il ajoute :

— J’ai été la chercher loin… mais j’en ai.

Est-ce l’effet de l’imprévu ? Est-ce l’admiration qu’il a pour les débrouillards ? Le redoutable Antoine se dégonfle et grogne :

— De la gnole ?… Ah ! ça, c’est épatant !…

Il en accepte un bon fond de verre. Il est heureux de nouveau, comme il était le matin. Le mistral lui lève sous le nez les cornes de son foulard. Il rit :

— Le vent augmente. Excellent ! Ça met de la vie !