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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

jugement que j’aurais, en outre, avec Arthème Fayard, qui avait publié ma prose, à payer mille francs de dommages-intérêts pour nous apprendre à respecter la Société.

À qui allèrent ces mille francs ? À une jeune artiste de music-hall qui s’était sentie diffamée en me lisant et demandait qu’en sa faveur les juges, citoyens justes par essence, nous dépouillassent, Fayard et moi, de cent billets de mille.

Elle avait été soutenue, à l’heure de sa détermination, par toute la gent du théâtre et du cinéma, qui gloussait, croassait, s’étouffait à lire les « choses abominables » qu’ingénument j’avais écrites sur cette troupe promenée par Antoine à travers la campagne d’Arles. — J’avais tenu à ne nommer personne : ils tinrent tous à se reconnaître ; et avec cette passion du martyre si ordinaire aux comédiens, ils se désignèrent publiquement : « C’est moi ! C’est loi ! C’est elle ! C’est nous ! »

Leurs cris d’attirer les journalistes. Ceux-ci, au lieu de courir ce jour-là chez le ministre des Finances, qui parlait d’augmenter de 85 % tous les impôts directs et indirects, afin de pouvoir réduire de moitié la taxe sur les chiens et les pianos, réduction souhaitée par l’ensemble du pays, ceux-ci se retrouvèrent chez la jeune artiste qui jouait l’Arlésienne et chez Mme Bréval de l’Opéra. C’est