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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

laise ; c’est son métier, à cette femme : ce sera effarant !…

Antoine se relève et reprend ses papiers. Le visage se déride :

— De toutes façons, on va se payer une large bosse !

Il s’étire :

— Puis la grande beauté du cinéma, mon vieux, c’est qu’on turbine en pleine nature ! Pendant trente ans, je me suis empoisonné à répéter dans la poussière et dans des salles obscures : cette compensation était bien due à ma vieillesse.

Sa vieillesse : le mot est drôle ! Je lui tends la main, et je dis gaiement :

— Alors, entendu. À vendredi.

Il me reconduit :

— Aimez-vous la bouillabaisse ? Je vous en ferai faire de ma façon.

Dans l’ombre de l’antichambre, ses yeux luisent :

— C’est que c’est un pays digne des dieux !