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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

chant du monde, car il est à l’abri sous huit platanes géants qui le défendent contre les feux du superbe et dangereux été. Malgré ses hôtels, ses boutiques, ses cafés chétifs, malgré ses voitures en station, en dépit de tout ce qu’il a de banal, le Forum d’Arles est un coin charmant, vers lequel on revient toujours, car c’est comme un creux d’ombre, où l’on a du répit. On s’assied, on boit frais, on cause. Frédéric Mistral est là, en bronze, à peine plus grand que le commun des hommes, avec sa canne de promeneur et son vaste chapeau de poète. Des oiseaux se sont oubliés sur ses épaules. Il pend à sa barbiche quelques toiles d’araignées ; personne ne s’en soucie ; la ville est bien autrement mal tenue ! Elle n’en est pas moins toute poésie. Flânons rêvons, devisons. Sur la place du Forum, l’heure passe, légère, sans même que l’on y songe…

— Nom de Dieu !

Ça, c’est Antoine ! Oui, oui, Antoine que je cherchais et que je trouve. Je ne le vois pas encore,