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ANTOINE DÉCHAÎNÉ


I

Le dimanche, si j’ai deux heures à moi, un de mes plus vifs plaisirs est d’aller les passer chez Antoine. Par la vieille rue Dauphine, j’arrive au vieux Pont-Neuf. La Seine ; Henri IV ; le Louvre ; tout le vrai Paris en une image, chère à mes yeux de vrai Parisien ; et me voici devant la maison de madame Roland, cette française héroïque et charmante. Je ne monte jamais l’escalier, sans que mon cœur ait une tendresse pour cette grande jeune femme trépassée ; puis soudain mon esprit se tourne vers l’homme vivant qui habite ce vieux logis. Il a toujours eu pour moi de l’importance ; je me trouve essoufflé devant sa porte ; et quand mon doigt fait retentir sa sonnette, je me dis en