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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

auto est un discours qui passe. Il est d’ailleurs seul à s’écouter. L’Arlésienne a repris sa moue inattentive. Le régisseur glisse une main vers sa taille et murmure :

— Dis-moi, belle brune, quand je serai ton amant.

Elle ferme les yeux, puis, nonchalante :

— Idiot !

Et, pendant ce temps, Antoine, qui n’est pas dans la limousine, mais qui sait ce qui s’y dit, Antoine, à côté du chauffeur, prend le vent et boit de la lumière. Toujours avec Daudet, ses yeux ne perdent pas un tournant de route. Il emmène des gens qu’il va faire jouer et qui s’abandonnent, insouciants ; mais lui regarde, respire, comprend cette Camargue singulière, dans laquelle tout à l’heure il va « mettre en images » quelques scènes de son drame. Eux, sans responsabilités, s’en vont, au gré de leur vague destin, derrière lui. Lui, le cœur battant, se passionne pour cette nature. Campagne plate, a dit le Sociétaire ; certes, quand on ne sait