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Page:Benjamin - Antoine déchaîné, 1923.djvu/66

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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Il a ses yeux brillants des meilleurs jours. Lui qui disait, l’avant-veille : « Je vais crever sur les routes ! » quel entrain !

Nous marchons dans une plaine en friche, salée comme la mer qui la borde, où les ondulations du terrain semblent de petites vagues molles, arrêtées tout à coup. Des bouquets de tamaris, du thym, de la lavande, des salicornes, — nous sommes sur une terre sauvage où le grand maître c’est le vent du large. Il nourrit le sol et les bêtes avec le sel et l’eau, et tandis qu’il apporte aux hommes tous les mirages, il donne aux chevaux de la fougue et aux taureaux du sang. Il faut le respirer, l’écouter, s’en nourrir, avant d’aborder la vie sauvage et superbe de ce coin de Provence. Antoine fut inspiré de finir la route à pied. Nous arrivons au mas, étourdis par la brise de mer.

C’est une maison qui tient de la ferme, de l’abri, de la hutte. Une haie séchée forme, au devant, un enclos, au milieu duquel, isolé et comique, pousse démesurément un aloès, qui va fleu-