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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Le marquis, à ce moment, apparaît, tenant un cheval par un licol. « Ventre à terre » lui arrive, porté par le vent, en pleine figure. Il recule. Mais Antoine l’a vu et crie :

— Bravo ! Voilà la bête qu’il me faut !… Madame, vous venez demander vos lettres à Mitifio. Vous les voulez. Vous arrivez, enragée, à moitié folle. Lui sort de sa cabane. Sa cabane est ici ; c’est cette hutte en roseaux… Monsieur Mitifio, approchez et écoutez. Vous l’avez vue de loin galoper sur la route. Vous sortez de votre cabane. Vous prenez son cheval par la bride et, au moment où elle saute à terre, vous lui saisissez le bras et lui dites dans le nez : « Qu’est-ce que tu viens f… ? »

Mots, gestes, il dit, il mime ; il joue la scène. Puis il ordonne : « En selle ! » après avoir lui-même décoiffé l’Arlésienne. Il a tiré les cheveux ; il a noué n’importe comment sur la tête un fichu noir, et comme elle protestait, disant :

— Ça sera joli !

— Mais je ne veux pas, madame, a-t-il crié,